Premiers pas

Publié le par yelahiah

 

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D’abord par de longs échanges d’e-mail, ensuite de longues conversations, elle réussit à me convaincre de voir un spécialiste pour sortir ma vie et mon esprit du marasme dans lequel ils pataugeaient depuis des mois. En parallèle, mon amie, toujours fidèle au poste, parvint à m’éviter de sombrer dans la dépendance de l’alcool et des médicaments .


Le praticien qui m’avait été chaudement recommandé se révéla avoir la sensibilité et le tact d’un éléphant en colère lâché dans l’entrepôt de porcelaine de mon inconscient fragilisé par le traumatisme. Les mois de lente reconstruction d’un semblant de respect furent anéantis en quelques minutes. J’en sortis à la fois détruite, dénaturée et abasourdie. Les souvenirs ravivés et le sevrage amorcé rendirent mes nuits apocalyptiques. La honte, la colère, l’apathie et le dégoût s’en donnaient à cœur joie dans mon esprit. J’allais de l’explosion de rires à l’effusion de larmes le tout entremêlé de sanglots et violentes douleurs tant à la tête qu’au cœur qu’au ventre. Je crus, et voulus, en mourir plus d’une fois. Heureusement, quelle que soit l’heure, ma mystérieuse inconnue répondait toujours présent à mon appel au secours. Je ne saurais l’expliquer mais de savoir quelqu’un à l’écoute de ma détresse me fit l’effet d’un phare illuminant la nuit par temps de tempête. Je me raccrochai à cette bouée inespérée qu’un destin facétieux avait placée sur ma route. Avec la patience d’un moine bouddhiste, crise après crise, mon ange de la nuit me sortis la tête de l’eau. Je repris à respirer. L’étau se relâcha. Petit à petit, mon esprit s’apaisa. Mes angoisses relationnelles s’estompèrent laissant apparaître le désolant spectacle d’un désert affectif qui me plongea aussitôt dans une profonde amertume. La solitude vint me heurter le coeur comme fâchée d’avoir été mise au rencart. J’étais perplexe ! Je subissais cet état et pourtant, jamais comme en cet instant, je n’avais ressenti son impact. Je me sentis tellement seule que j’en pleurai tout le restant de la nuit.

 

Bien que lointaine et éthérée cette voix nocturne boostait mon caractère de battante. Lentement, mais sûrement, bien que je ne sache pas bien ce qui est à l’origine de ce changement, une vérité pourtant évidente se fit un chemin dans mon esprit. Ce drame abominable et indélébile n’était pas de ma faute. Je n’étais pas responsable de l’acte que cette ordure avait osé se permettre. Je n’étais pas l’instigatrice de ce viol ! J’en étais la VICTIME ! Et, en tant que victime, j’avais droit à de la compréhension, à de l’aide, à la justice ! Un amalgame de colère, de haine, de révolte s’empara de moi. C’est moi qui avais été violée et c’est moi qu’on jugeait ! C’est moi qui avais été avilie, salie, déshonorée, et ce sont mes actes et mes paroles qu’on examinait ! C’est moi qui mourait de honte devant mon miroir et devant le regard des gens et c’est à cet abject salaud qu’on trouvait des excuses. C’est moi qui vivais la déchéance des souvenirs. C’est moi qui subissais la torture de cette blessure. C’est moi qui ressentais cette solitude qui en découlait et c’est à ce porc,  à cet immonde animal que les gens donnaient des circonstances atténuantes. MERDE !!!! Faudrait quand même pas l’oublier !!

 

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C’est moi, la VICTIME !!!

 

Ne suis-je pas une personne comme une autre ?

Un être comme un autre à qui on doit le respect ?

Le fait que je sois une femme donne-t-il le droit à un homme d’assouvir ses pulsions sans s’occuper de mon opinion, de mon vouloir ?

Pourquoi, alors qu’on a déjà subi l’innommable doit-on encore et encore le résubir au fur et à mesure des examens et des enquêtes ?

Était-ce la recherche objective de la vérité ou le voyeurisme licencieux de fonctionnaires en mal de sensations ?

Comment, alors qu’on est traitée pire qu’un objet de plaisir, peut-on se souvenir de détails qui n’ont, pour nous victimes, aucun intérêt comme l’heure exacte, la couleur des vêtements, le temps qu’il faisait ?

Je ne vois que ses yeux lubriques et ne me souviens que de l’horreur éprouvée de le sentir en moi.


J’ai vécu l’enfer en plein désert et on m’oblige à le revivre encore et encore avec dans la voix encore et toujours cette question qui leur brûle les lèvres de savoir si cela m’a plu.


NON ! Cela ne m’a pas plu !!

Oui, cela m’a dégoûté, indignée, écœurée !!

Oui, j’ai voulu en mourir de honte !

Oui, je me suis cachée et me suis détruite à petit feu.

Mais je dois cette torture et ces humiliations à cette société machiste

qui se comporte comme si le violeur avait droit à un trophée

et la victime à l’exclusion pour avoir osé se plaindre.

 

Eh, bien, au risque de vous déplaire, je n’ai plus rien à perdre ! Mais j’ai tout à gagner ! Y compris, pour commencer le respect de moi-même car on ne peut demander aux autres ce qu’on ne s’accorde soi-même. Après des mois de remise en question, j’en suis arrivée à la conclusion que si le respect se mérite, le moins que je puisse faire c’est :

de m’accorder le pardon.

Pardon de m’être cachée.

Pardon de m’être mentie.

Pardon d’avoir fait semblant de n’avoir aucun ennui alors que ma vie se noyait et continuer à sourire alors que mon cœur pleurait.

 

 

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Aujourd’hui c’est fini !

Et tant pis pour ceux qui ne le comprendront pas.


J’ai subi le plus innommable, dégradant

et indélébile des traumatismes

et je ne veux ni de votre pitié, ni de votre commisération.

Je veux votre compréhension !


Je veux que les gens comprennent qu’une femme violée

est une victime.


Une victime qui gardera à jamais marquée

dans sa chair la blessure indélébile de ce qu’elle a subi.

Et que ce stigmate est entretenu par l’esprit

obtus d’une société phallocrate.


Il est temps que les mentalités changent et

qu’on considère cet acte comme l’impardonnable crime

qu’il est et non comme une affaire insignifiante

juste bonne à alimenter les fantasmes

d’un adolescent pré-pubère.


Il est temps que la société instruise ces hommes de demain sur le respect qu’ils doivent aux femmes. Qu’ils n’oublient que la femme est aussi leur mère, leur sœur, leur amie,  leur compagne et qu’elle est une proie potentielle pour tous ces dépravés à qui on trouve des excuses de s’être conduis comme des bêtes. Il faut qu’on leur apprenne que la femme est seule maîtresse de son corps et qu’elle seule peut en disposer à sa guise. Quel que soit sa façon de s’habiller et de se conduire, c’est sa liberté de le faire et on n’a pas à la juger, ni à la culpabiliser d’être féminine et que c’est son droit le plus strict que d’être bien dans sa tête et son corps.


Et que lorsque une femme dit : non. C’est NON !!

 

Il faut que la justice se rende compte que ces victimes sont déjà blessées au plus profond d’elles-mêmes et que leur faire revivre ce cauchemar ne fait que creuser encore plus cette blessure. Qu’exposer, à la curiosité malsaine d’une foule, des tourments aussi intimes ne fait qu’aggraver un état d’esprit déjà largement fragilisé par cet effroyable traumatisme. Que tant qu’on n’aura pas donné un vrai statut de victime à celle qui a subi l’outrage et un statut de criminel à l’agresseur, on favorisera la loi du silence, on protégera ces infâmes dévoyés, on contribuera à maintenir cet état d’angoisse car souvent le violeur est un proche, que ce soit du milieu familial, social ou professionnel et que sa liberté est une atteinte à la liberté de la victime de par les menaces et le chantage encourus……..Quand ce n’est, purement et simplement, l’exposition à la vengeance de l’agresseur pour, comble d’hypocrisie, avoir été sali dans son honneur.


Il est temps qu’on s’occupe d’aider ces victimes à se reconstruire et à se reforger une image correcte de leur personne afin qu’elles puissent envisager leur avenir avec sérénité. Qu’on arrête de les culpabiliser, de les juger, de les avilir encore plus.

 

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Nous savons que, jamais, elles n’oublieront.

JAMAIS je ne pourrais oublier cette nuit !


Mais grâce à l’amitié qui m’a toujours soutenu,  je sais désormais que je pourrais vivre avec. Que je peux reconstruire le respect de moi-même, réacquérir la confiance, réapprendre à vivre. Tout cela est très fragile. Mais aujourd'hui, j'y crois.


Et le dis pour toutes celles qui sont dans le cas : vous n’êtes pas responsables de ce qui vous est arrivé ! Refusez de vous laisser enfermer dans un ghetto de préjugés qui font de vous des coupables d’avoir incité un pervers, d’avoir excité un détraqué. Refusez d’être cataloguées comme consentantes parce que vous êtes toujours vivantes. Vous êtes des VICTIMES. Victimes d’une inqualifiable injure à votre statut de femme ! Refusez que cet acte répugnant ne régisse désormais votre vie. Vous n’êtes pas responsables et d’avoir été violées ne vous enlève pas le droit au respect qu’on vous doit. Il vous faut apprendre à vivre avec cette déchirure et réapprendre à faire confiance. C’est possible, même si on n’oublie JAMAIS. Il est possible de réapprendre à vivre.

 

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Dépasser cet état de prostration, c’est possible !

Ce n’est pas une utopie, ni un espoir mais une réalité !

Il y a des horizons lointains où le soleil se lève.

Il y en a un pour MOI !

Il y en a un pour VOUS !

Il y en a un pour CHACUNE d’entre nous !!!

Croyez-le, je le vis ! 

 

 

yelahiah

Publié dans horizon lointain

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L
<br /> Jamais un acte pareil ne peux être oublié, et ce quoi qu'on fasse et quoi qu'on dise. Pire encore est l'incompréhention qui nous entoure, même sans forcément avoir dit un seul mot, car pour trop,<br /> nous sommes les coupables, un geste, un mot, une façon de s'habiller ou simplement le fait de ne pas avoir été capable de dire non. Tellement plus facile de trouver le refuge dans le silence et<br /> pourtant...<br /> <br /> <br />
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Y
<br /> oui et pourtant ... quand on parviens a faire le pas, c'est une telle libération.<br /> Libération très fragile, mais  comme si on nous coupait les chaines .... <br /> <br /> <br />