Retour au pays

Publié le par yelahiah



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Perdue dans mes pensées, ce ne fut qu’au bout d’un moment que je remarquai la différence. L’odeur du cuir neuf, la banquette moelleuse, l’absence de bruit et la fraîcheur. Intriguée, je jetai un œil autour de moi. Ce n’était plus la même guimbarde qu’à mon arrivée mais une rutilante voiture allemande dernier modèle. J’en appréciai le confort, le décor et les finitions lorsque mon regard croisa, dans le rétroviseur, celui du chauffeur. D’un coup, remontant de mes entrailles, le souvenir d’un autre regard vint se superposer et une peur panique fit trembler tous mes membres. Un frisson glacé montait et descendait le long du dos au rythme des genoux qui s’entrechoquait. Une série de hoquets singultueux me fit craindre de rendre mon dernier repas sur les tapis tout neufs. J’hoquetais à m’en étrangler. Le chauffeur, visiblement inquiet, croyant sans doute à un malaise du voyage, stoppa la voiture et s’enquit de mon état. Incapable d’articuler un mot, je lui fis signe d’une main tremblante de continuer le trajet. Petit à petit, me faisant violence et me raisonnant, je parvins à me calmer. Non sans avoir, à plusieurs reprises, vérifié que personne ne nous suivait. Bien malgré moi, je surveillais le rétroviseur. Le chauffeur s’obligeait, visiblement, à se concentrer sur la route. Je réalisai, à cet instant, que mon brusque départ et l’étonnante concision des bagages emportés donnaient tout d’une fuite précipitée. Moi qui voulais être discrète ! J’avais réussi !

 

Arrivés à l’aéroport, je me dirigeai vers le bâtiment d’embarquement lorsque la voix gênée du préposé stoppa mon élan. Je me forçai à me retourner pour constater qu’il me tendait, d’un air étonné, mon baluchon. Je lui arrachai presque des mains et repris ma route.

 

Une colère sourde monta en moi. J’allais lui répondre que son dieu aurait pu faire son boulot avant quand je me ravisais que cet employé n’avait été que gentillesse et amabilité envers moi. Dans un grand effort le remerciai de ses vœux et m’engouffrai dans le terminal. J’avais à peine fait quelques pas pour traverser le hall que j’eus l’impression d’avoir tous les yeux des personnes présentes braqués sur moi. Où que je tourne mon regard, les yeux d’un homme, d’une femme ou d’un enfant semblaient dire : Honte ! Honte !, Honte ! Je relevais la capuche de la djellaba pour m’abriter de ces regards accusateurs et me mis à longer les murs. Arrivée au guichet, je m’enquis du prochain départ : 23 h 18 ‘. Une heure à attendre !

J’allai m’asseoir dans le hall d’attente, dans le coin le plus reculé que je pus trouver. Je formai le numéro de mon amie et lui indiquai l’heure d’arrivée estimée. Je n’avais pas sitôt fini la conversation qu’une voix toute proche me fit sursauter : Une jeune maman réprimandait son rejeton qui fouillait dans mon barda. J’allais demander des comptes à l’enfant quand ma vue, tombant sur mon sac, me fournit l’explication du geste. Mes bagages, jetés négligemment sur un siège s’étaient renversés déversant leur contenu sur le sol de l’aéroport. Là, exposés à la vue de tous, les quelques linges que j’avais tenu à emporter. Je m’empressai de le ramasser. Un reproche lointain se rapprochait, plus fort, plus près, plus insistant : Honte ! Honte ! Honte !

 

J’allai exploser ! Leur demander ce qu’ils auraient fait à ma place pour éviter ça ! Ce que j’avais bien pu faire pour que cela m’arrive ; à moi ! J’allais… Quand soudain un haut-parleur annonça le départ prochain de mon vol dans la vingtaine de minutes qui suivaient. D’un seul coup, toutes les voix se turent ! Je pris mon sac et regardai autour de moi, personne ne semblait m’accorder la moindre attention. Je réajustai ma tenue. M’enfonçai un peu plus dans le tissu et me dirigeai vers l’aire d’embarquement. Je marchais aussi vite que possible mais ne pus éviter une ou deux bousculades qui me provoquèrent des frayeurs si intenses que l’hôtesse, préposée au contrôle des tickets, dû me tenir la main pour pouvoir lire mes coordonnée sur le billet. Manifestement inquiète, je la vis s’entretenir avec un steward en me montrant. À la sortie du sas, deux agents m’attendaient me priant de les suivre. Malgré mes protestations, je dus obtempérer. Dans le bureau, chaque vêtement, objet, récipient fut minutieusement ausculté. À ne pas en douter, mon attitude avait dû convaincre les douanes que je devais transporter des produits illicites. Bien que je m’en défende, la venue d’une auxiliaire féminine fut exigée en vue d’une fouille au corps. Mon cœur se mit à battre la chamade et le sang à cogner violemment à mes tempes. La vue commença à se brouiller. Rien que l’idée d’une main étrangère me touchant me donnait des envies de vomir. Vu mon état, la fonctionnaire arriva en courant. Heureusement ??? pour moi, d’un coup d’œil, elle jaugea la situation. Réclama d’autorité un verre d’eau. Y fit dissoudre quelques comprimés et m’ordonna, d’une voix douce, de boire la mixture. Tout en m’aidant à l’avaler, elle invectivait ses collègues de ne pas reconnaître un mal du voyage.


Mal du voyage ! Si seulement cela avait pu être ça !

 

Un steward vint aux nouvelles prétextant le départ imminent de l’avion. Le responsable le rassura quant à mon embarquement immédiat. On entassa rapidement bien qu’avec respect, mes affaires dans le sac et nous nous précipitâmes vers l’avion. En entrant dans le compartiment, mes membres se remirent à trembler : Tous les regards convergeaient vers moi ! J’appréhendais le moment où mes jambes allaient se dérober quand une hôtesse vint m’indiquer et me conduire à ma place. Je tombai, plus que je ne m’assis, dans le siège. Elle m’attacha et me souhaita un bon vol tout en m’assurant que je ne risquais rien et que je pouvais me détendre. Un passager se plaignit qu’on accepte des folles dans un transport public. Un autre lui intima de la fermer. Une femme s’inquiéta des risques encourus. Une autre fit remarquer que le personnel était qualifié pour ce type de désagrément. À chaque remarque, je m’enfonçai un peu plus dans le siège. La dame assise à côté de moi se présenta et sans autres préambules me certifia que je ne courrais aucun danger et qu’elle veillerait sur moi pendant le voyage. Sont-ce ses mots ou les cachets ? Je sombrai dans un sommeil sans rêves. J’eus l’impression d’avoir à peine fermé les yeux qu’une hôtesse m’annonçait que l’avion était arrivé. Un sentiment de soulagement, que l’employée prit pour de la surprise, se dessina sur mon visage en constatant que la plupart des voyageurs avaient déjà quitté l’appareil. À ma grande surprise, je m’aperçus être calme et détendue. J’attribuai cet état à l’effet des médicaments. Je me levai, pris mon sac et me dirigeai vers la sortie.


Publié dans horizon lointain

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Commenter cet article
L
<br /> <br /> Quoi de plus normal que cette sensation et cette impression que tous les regards soient tournés vers toi, comme si c'est écrit sur ton visage en grosse lettre, nous savons que ce n'est que notre<br /> subconscient qui le voit ainsi, oui les personnes te regardent et plus tu essayes de t'en détacher plus ça empire. Des minutes et des heures interminables avant se décollage salvateur, quitter au<br /> plus vite, au plus loin ce lieu qui t'aura marqué au fer rouge. bisous<br /> <br /> <br /> <br />
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Y
<br /> c'est marquant ce sentiment<br /> que le monde monde tourne a l'envers.<br /> <br /> <br />